Orchestre Elektra

Le charme et la beauté de l'imperfection

par Jordan GUDEFIN, Directeur Musical

Nous avons souhaité placer ce dernier programme de la saison de l’orchestre Elektra sous le signe de la découverte.

En effet, les deux œuvres présentées sont des pièces que nous avons rarement l’occasion d’entendre dans les salles de concerts.

Ethel SMYTH (1858–1944)

Concerto pour violon, cor et orchestre

Création en 1928 – Durée : 25 minutes

La première œuvre, le concerto pour Cor et Violon d’Ethel Smyth, est l’occasion de découvrir une formidable compositrice qui commence tout juste à sortir de l’oubli dans lequel elle se trouvait. (Ce concerto est d’ailleurs de plus en plus programmé.) La septième symphonie d’Antonin Dvorak quant à elle, nous permet de découvrir une facette différente de ce compositeur qui est dans l’imaginaire collectif l’homme d’une seule œuvres : sa fameuse Symphonie du Nouveau Monde.

Au-delà de la découverte musicale, l’association de ces deux œuvres met en lumière la fougue, l’énergie, la débauche d'idées de leurs auteurs.

Si le concerto respecte bien la forme en trois mouvements traditionnelle de ce genre musical, la compositrice va se laisser emporter par ses idées qu'elles soient harmoniques, structurelles ou encore thématiques.

Naturellement on peut se laisser perdre dans ce labyrinthe musical mais on est tout aussi frappé par la puissance des idées, la force créatrice de la compositrice et sa volonté de s’amuser avec l’orchestre, en tentant avec plus ou moins de succès des effets d’orchestration.

Cette oeuvre est le reflet de la personnalité brûlante d’Ethel Smyth, femme forte, indépendante avec une volonté créatrice dépassant les préjugés et interdits sociaux bien trop nombreux à son époque.

Antonín DVOŘÁK (1841–1904)

SYMPHONIE n°7 en ré mineur, op. 70

Création à Londres en 1885 – Durée : 40 minutes

La symphonie de Dvorak essaie elle aussi de rester dans le cadre de la tradition symphonique en quatre mouvements de son époque. Mais son auteur, en plein questionnement sur la place de sa musique de cœur, la musique populaire tchèque, est tiraillé entre un cadre romantique dans la lignée des compositeurs symphonistes contemporains et l’influence des danses populaires qui irriguent toute la symphonie.

Comme dans le concerto, on peut se sentir perdu devant l'enchaînement des idées, la puissance dégagée qui semble échapper à son auteur (Ce dernier a d’ailleurs du mal à résoudre son mouvement final face à toute l’énergie qu’il a dégagé). Mais on en ressent là aussi une œuvre personnelle, reflet des préoccupations de son compositeur qui va, avec ses deux symphonies suivantes, sortir peu à peu du cadre de la musique populaire.

Ces deux œuvres sont fortes, intenses et extrêmement imparfaites ! A force de tendre vers la perfection de la forme artistique (dans sa structure, ses lignes ou encore son équilibre), certaines œuvres d’art sont il est vrai de véritables bijoux de conception mais manquent une mission importante : parler à nos sentiments et à notre âme.

Il est à mon sens important de se rappeler que si nous sommes attirés par les œuvres d’art dans le monde actuel qui est bien souvent « normalisé », c’est pour la force émotionnelle qu’elles dégagent. Je vous propose de succomber au charme et à la beauté de l’imperfection des ces deux œuvres !